De la « raison d’être » à la « raison d’en être »
Après plus de quinze ans à la tête de plusieurs sociétés, Lionel Mestron a cédé ses activités d’exploitation en 2023. Il pilote aujourd’hui une holding de conseil stratégique et finalise un master à l’ESSEC. Pour lui, diriger ne se limite plus à gérer un compte de résultat : c’est assumer la responsabilité d’une personne morale et l’impact — humain, économique, sociétal — qui en découle.
Pourquoi le modèle pyramidal touche à sa fin ?
« Nous sommes à la fin d’un cycle. On ne peut plus demander à nos équipes d’être excellentes avec les clients si on les traite comme de simples “ressources humaines”. »
Lionel est catégorique : le modèle top-down appartient au passé. Il prône une organisation bicéphale — DG + DRH copilotant chaque décision stratégique — et des équipes agiles de 20-30 personnes, y compris dans les grands groupes. Objectif : proximité, réactivité et cohérence entre discours et terrain.
Trois leviers incontournables pour un dirigeant qui réussit !
- Le sens des réalités — regarder en face les signaux économiques, sociaux et RH
- De la raison d’être à la raison d’en être — transformer le pourquoi de l’entreprise en cap fédérateur
- La chaîne de valeur partagée — chaque collaborateur comprend précisément où il se situe dans le processus, voit l’impact direct de son travail et visualise le chemin de la valeur : de l’étape qui le précède jusqu’au client final, afin de percevoir clairement comment sa contribution nourrit la promesse faite au client
Symétrie des attentions : le salarié, premier client de votre entreprise !
« Comment puis-je demander à un collaborateur d’être ultra-considérant et ultra-bienveillant avec mes clients si, en retour, je le traite moyennement ? »
Principe : Considérer les collaborateurs comme ses premiers clients.
Logique : Aucun salarié ne peut durablement être mal traité et rester exemplaire avec la clientèle.
Mise en pratique :
- Considération quotidienne (bonjour, merci, reconnaissance des efforts)
- Bienveillance authentique dans les échanges, même sous tension
- Feedbacks sincères et réguliers — formels ou informels (par exemple à la machine à café)
- Alignement permanent entre valeurs affichées et comportements réels
Lorsqu’un salarié se sent respecté, il transmet naturellement cette qualité de relation au client : le respect interne à l’entreprise devient alors satisfaction externe aux clients.
Quand la crise devient catalyseur de leadership
Le déclic survient souvent dans la tourmente. Confronté à la COVID-19 et au risque de burn-out, Lionel a appris à déléguer, faire confiance et co-construire. Cette posture lui a révélé un trésor caché : les collaborateur·rice·s les plus discrets recèlent souvent des pépites d’idées. Lorsqu’on leur ouvre un espace d’expression et qu’on leur accorde réellement confiance, ces profils réservés proposent des solutions innovantes et des perspectives inattendues, renforçant l’intelligence collective de l’entreprise. Un travail de développement personnel l’a également aidé à apprendre à rester présent et authentique dans ses fonctions de direction.
Transformer la performance : du chiffre au triple capital
Lionel plaide pour une évaluation à 360 ° : performance économique, sociale et environnementale. L’IA fournira des outils, mais la clé restera humaine : sens partagé, confiance et valeurs vécues.
« Au bout du compte, ce qui reste, ce sont les femmes et les hommes et la manière dont ils ont grandi avec nous. Sans mes collaborateurs, je ne suis rien ; inversement, je dois tout faire pour qu’ils trouvent du sens à leurs actions»
La transformation commence à l’intérieur : passer de la raison d’être à la raison d’en être est un chemin exigeant mais incontournable pour bâtir des entreprises durables, rentables et profondément humaines.